Entretien avec Hervé Martin

 

Mot à Maux n°21 – juin 2022

 

 

 

Daniel Brochard : Vous vous lancez dans la création d'une structure éditoriale. Pouvez-vous nous parler de cette aventure ?

 

 

 

Hervé Martin : Le projet de création d’une maison d’édition m’avait traversé l’esprit à diverses reprises au cours de la période où j’ai dirigé Incertain Regard. Idée que j’avais finalement plusieurs fois abandonnée.

 

Je ne pensais pas y revenir mais plusieurs raisons m’ont amené à créer cette structure éditoriale à compte d’éditeur.

 

Et notamment la difficulté à trouver une maison d’édition pour certains de mes manuscrits.

 

Les textes, bien accueillis en revues, ne confirmaient pas d’accords chez les éditeurs aux agendas souvent remplis pour deux, trois ou quatre ans.

 

C’est souvent un silence en guise de réponses qui m’a dissuadé de poursuivre mes envois.

 

D’autre part, mon âge qui avance et l’information récente que le confinement avait provoqué une saturation de manuscrits chez les éditeurs, ont fini de me convaincre qu’il me fallait agir.

 

Mais le plaisir de retrouver une pratique éditoriale que j’avais connu avec la revue m’a bien sûr beaucoup motivé. Sachant que je n’éditerai que peu de livres, je solliciterai des auteurs avec le désir de rapprocher qualité, singularités créatrices, goûts, amitiés... Dans ce projet, je me considère en poète-éditeur, artiste et artisan. J’aime cette liberté qui m’entraîne aux seuils des mois qui suivent et au projet, qui soudain peut naître d’une idée ou d’une rencontre. Un prochain titre est prévu pour la fin d’année. Pour « Origines du poème » et «  La guitare dans l’arbre » les deux premiers livres, beaucoup de S.P. ont été envoyés. Je pourrai rapidement évaluer le soutien et l’accueil que les éditions Au Salvart auront suscités. J’aurai alors connaissance des ventes et des retours de lecture. Des indicateurs précieux pour la suite. Je le rappelle, les livres peuvent être achetés sur le site (www.editionsausalvart.fr) et commandés dans toutes les librairies. Je participerai aussi à quelques salons du livre et je recherche maintenant d’autres lieux de dépôts. Deux existent déjà : à Gif-sur-Yvette (91) « Dans la cour Saint Jean » et à la librairie « Longtemps » à Paris dans le 19e arrondissement.

 

Pour la partie administrative je me suis appuyé sur l’association Incertain Regard que j’avais créée pour la revue. Il m’a fallu mettre en œuvre toute la partie légale pour le fonctionnement des éditions. Un passage autant rébarbatif que nécessaire.

 

 

 

DB : Que retenez-vous de votre expérience au sein de la revue Incertain regard que vous avez créée en 1997 ? Aujourd’hui celle-ci est numérique. Pouvez-vous nous en dire plus ?

 

 

 

HM : La création et l’animation de la revue m’ont permis de découvrir de nombreux poètes contemporains ainsi qu’une diversité d’écritures.

 

Grâce à cette expérience j’ai rapidement compris que certaines écritures nécessitaient d’y revenir plusieurs fois pour saisir la langue, le langage, la poésie… Je ne sais comment nommer cette matière vive du Poète qui se traduit dans l’écrit. À titre d’exemple, je me souviens de « L’Ampleur du désastre » de Patrice Delbourg. Un ami poète m’avait conseillé ce livre. Je qualifierai ses textes de prose ajourée… interrompue par des espaces blancs imprimant des rythmes de lectures. Incompréhensibles pour moi à cette époque ! Pourtant, j’ai lu attentivement. Une fois puis deux et insisté dans ma lecture avant de voir s’éclaircir le texte qui prit alors tout son sens. C’est cela que j’ai appris ! L’insistance dans la lecture d’un texte de poésie, apparemment obscur. Je le conseille à tous les lecteurs de poésie. À mesure des lectures, des éléments de langage s’éclairent et se font plus compréhensibles. Ou parfois, sous notre lecture singulière restent muets à l’aune de ce que nous sommes.

 

Au début de la création de la revue, je souhaitais approcher une définition de la poésie en essayant de la circonscrire au plus juste comme si elle était univoque. Mais la poésie me paraît insaisissable tant elle semble polymorphe ! Je recevais en effet des textes se revendiquant de « poésie », parfois très différents. J’ai ainsi compris qu’il ne fallait pas s’interroger en ces termes : Est-ce de la poésie ? Mais plutôt : Qu’est-ce qui fait poésie dans le texte ? Le vers, le rythme, le thème, l’humour, les sonorités… autant de singularités qui caractérisent l’écriture d’une ou d’un poète. Ce « quelque chose » qui se détache d’un texte et se partage dans la lecture. La poésie respecte la diversité de la vie dont elle nous enrichit.

 

Après ses 13 numéros papier la revue Incertain Regard a marqué sa présence éditoriale avec un site, puis par une revue numérique. En 2015, après 11 numéros quand j’ai souhaité mettre fin à mon activité de revuiste, la situation à l’époque a permis qu’elle soit reprise par la Bibliothèque multimédia Paul Eluard de la ville d'Achères. Depuis elle continue à exister sous la forme numérique en ayant, au passage, étendu son contenu éditorial à la littérature générale avec le roman, la nouvelle… et à l’art aussi. Voie que j’avais ouverte en invitant des peintres à accompagner les différents numéros avec des portraits.

 

 

 

DB : Il est bon que les jeunes poètes puissent perpétuer la tradition du « revuisme ». Peut-on compter sur la jeunesse pour réaliser ce que nous avons manqué : mettre la poésie au service de l’engagement social ?

 

 

 

HM : Pour reprendre le dernier volet de votre question, je ne sais pas si « les revuistes ont manqué quelque chose » et notamment celle de « mettre la poésie au service de l’engagement social ? ». Vis-à-vis des revues je ne saurai le dire tant leur diversité est étendue. Mais l’engagement social existe bien en poésie, avec les ateliers d’écriture et l’intervention de poètes dans différentes structures : à l’école, dans les lieux de soins et d’accueil de personnes en difficultés sociales ou en condition de handicap. La Maison des Écrivains à ce propos a développé de nombreux programmes.

 

Dans un autre cadre, j’ai moi-même animé, durant 3 ans dans un Esat, un atelier d’écriture auprès de personnes présentant des déficiences psychologiques ou intellectuelles. On pourrait ainsi trouver de nombreux exemples montrant l’intervention des poètes pour l’engagement social.

 

Ensuite quant à perpétuer une tradition du « revuisme » c’est aux jeunes de répondre.

 

Pour ma part, je fais toute confiance à la jeunesse pour poursuivre à sa manière l’édition de revues. Je ne doute pas qu’elle se montrera inventive et à la hauteur des projets des générations qui l’ont précédée. D’ailleurs de nouvelles revues continuent toujours à naître.

 

Vous pensez que la poésie serait au service d’un engagement social ? Pour une part probablement mais la poésie est un art et en cela elle est d’abord l’émanation d’une sensibilité au monde. Je ne pense pas d’ailleurs que la poésie soit au service de rien ni de personne. La poésie est libre et n’est pas « au service ». Elle est le fruit d’un être humain dans sa rencontre avec le monde.

 

 

 

DB : Pouvez-vous présenter les premiers ouvrages de votre collection ?

 

 

 

HM : Les deux premiers livres sont « Origines du poème » que j’ai écrit et « La guitare dans l’arbre suivi de Il neige sur la mer » de Lydia Padellec. J’ai rencontré Lydia Padellec il y a plus de 20 ans lors d’un atelier d’écriture consacré à la mise en voix de poèmes et nos chemins se sont souvent croisés par la suite. Je souhaitais que nos deux noms soient réunis pour inaugurer les éditions Au Salvart et je suis ravi qu’elle l’ait accepté.

 

Le livre de Lydia partage des sentiments de fragilités et de pertes qui déstabilisent et accompagnent une période de rupture amoureuse. Des poèmes qui n’évitent pas le réel qui s’impose alors.  « Il neige sur la mer » qui suit, évoque avec des poèmes courts, proche du haïku que Lydia Padellec affectionne, des sensations approchant l’évanescence avec des émotions qui la traversent dans sa présence au monde. Des poèmes que l’on sent écrits dans un seul flot de ressentis, aux limites de l’effacement et du souffle de vie.

 

Dans « Origines du poème », deux épisodes de mon enfance constituent la base d’une histoire de vie. À partir de ces deux « motifs » le livre évoque des événements qui fondent une part de ce que je suis et qui accompagnent toute une vie. Il montre peut-être aussi le pouvoir de la poésie à remédier à leurs effets dans une forme de résilience.

 

 

 

LIVRES PARUS

En collaboration avec Sophie Brassart pour les encres.
D'une vallée perdue à mes jours de mémoire -Ed. Au Salvart

Sur le site Le Pays d'Yveline, Un texte critique de Jocelyne Bernard sur l'ensemble de mes livres.

Sous l'odeur des troènes - Éditions Unicité.
Sous l'odeur des troènes - Éditions Unicité.

Sur le site de littérature colombien Panorama Cultural  quelques poèmes extraits de "Sous l'odeur des troènes " éd.Unicité,  Ils ont été traduits par la poète Maggy de Coster. Un grand merci pour elle !

"Origines du poème "- Éditions Au Salvart

Hervé Martin Digny : En frayant un chemin.

Un carnet numérique.Des notes,notes de lectures, poèmes, chroniques sur des numéros anciens de revues de poésie...

Editions Unicité
Recouvrer le monde suivi de Zone naturelle - Ed. Unicité
Dans la traversée du visage - Ed. du Cygne
Dans la traversée du visage - Ed. du Cygne

     Les livres

Métamorphose du chemin -Disponible chez l'auteur
Métamorphose du chemin -Disponible chez l'auteur
http://www.marc-giai-miniet.com/page27.html
Comme une ligne d'ombre -Disponble chez l'auteur et l'éditeur Marc Giai-Miniet
Au plateau des Glières -Ed. de la Lune bleue (épuisé)
Au plateau des Glières -Ed. de la Lune bleue (épuisé)
J'en gage le corps- Disponible chez l'auteur.
J'en gage le corps- Disponible chez l'auteur.
Et cet éprouvé des ombres - Ed. Henry
Et cet éprouvé des ombres - Ed. Henry
Toutes têtes hautes - Ed. Henry
Toutes têtes hautes - Ed. Henry

   Photographies


Avec Véronique Arnault lors de la lecture de Métamorphose du chemin à la galerie Bansard. 15/11/2014
Avec Véronique Arnault lors de la lecture de Métamorphose du chemin à la galerie Bansard. 15/11/2014
Lecture Galerie Bansard le 15/11/2014
Lecture Galerie Bansard le 15/11/2014
27 mars 2011 - Chateau de Coubertin
27 mars 2011 - Chateau de Coubertin

 

Lecture dans la réserve - 2 oct 2011 -Lydia Padellec & Hervé Martin
Lecture dans la réserve - 2 oct 2011 -Lydia Padellec & Hervé Martin