Entretien avec Clara Regy

 

- Peux-tu brièvement nous raconter ton parcours « d’Homme de poésie » ?

 

Il commence sans doute avec ce geste d’écrire qui s’est imposé à moi vers la fin de l’adolescence. Je l’ai vécu alors comme un souffle d’oxygène me permettant de respirer plus amplement. Au cours du temps, ces moments d’écriture d’abord épisodiques se sont multipliés. Ils m’ont accompagné ainsi de manière intermittente jusqu’à ce que je les considère, déjà bien avancé dans l’âge adulte, comme une part véritable de moi. Au regard de ces pratiques d’écritures, récurrentes et de poèmes, je me suis admis poète mais assez tardivement. L’écriture m’a beaucoup apporté. Rien ne me prédestinait à écrire sinon une admiration pour les écrivains, les poètes et pour la chose littéraire, sans être pour autant un grand lecteur. Ce n’est que bien plus tard, cette passion m’accompagnant, que j’ai poursuivi plus intensément cette quête de poésie. Je dois dire que longtemps rien ne m’a paru plus beau que la figure du Poète. En 1997, j’ai créé la revue Incertain Regard pour dire que les poètes sont vivants et que la poésie contemporaine est lisible, sensible, partageable, accessible… Enfin mes premiers livres ont rendu hommage à la mémoire des miens, aux métiers manuels, aux disparus.

 

- Te considères-tu comme un poète engagé ?

 

Non ! Pour moi le poète engagé est une figure majeure ! Il vit ou a vécu dans un pays où les libertés sont menacées gravement. Il pourrait même engager sa vie pour la liberté, les causes qu’il défend ou l’idée qu’il se fait de vivre. Et parce que ce terme est fort et beau, il faut le préserver d’une inflation de sens.

 

Cela dit, chacun est engagé dans sa vie pour une cause, une passion ou une autre. Et les causes sont nombreuses. L’état de la planète, celui du monde, les grands déséquilibres qui y règnent, la condition de vie des hommes… Toutes ces causes me préoccupent comme beaucoup d’entre nous. Et parfois, certains de mes poèmes en témoignent.

 

- Que mettrais-tu alors derrière ce terme ?

 

Pour ma part, si je suis engagé, c’est du côté de l’humain et au cours de ma vie, auprès de ceux que je rencontre. L’attention aux autres, la sincérité, le respect des êtres, le partage sont des valeurs humaines auxquelles je suis attaché. Vivre en accord avec elles est peut-être bien modestement la forme de mon engagement. J’essaie d’allier le geste à l’écrit dans un esprit de cohérence. L’homme et le poète sont une même personne.

 

J’ai toujours été attentif à la solitude des êtres comme à ceux qui sont omis par une société trop élitiste. J’ai écrit des poèmes qui rendent hommage aux métiers manuels, aux personnages de mon enfance, à ce milieu populaire d’où je suis issu. Certains poèmes portent les titres de Balayeur, Coffreur, Éboueur, Plâtrier, Maçon… C’est là peut-être la forme de ma reconnaissance à ceux que l’on ignore. Ces hommes et ces femmes qui fabriquent notre monde, matériel et concret, souvent dans la fatigue et l’usure de leur corps. Ne l’oublions pas. À ce sujet, une anthologie existe « Voix d’en bas, la poésie ouvrière du XIX siècle » à La Découverte. Elle recense des textes écrits par des ouvriers et des artisans qui louent l’art de leur métier et l’humain dans son rapport à la société. C’est touchant et c’est beau !

 

J’essaie d’être fidèle à moi-même et à mes textes. Dans la sincérité du poème, il y a en filigrane l’ébauche d’un geste. C’est ce « faire » du mot poésie vers lequel, je crois, le poète doit tendre autant qu’il est possible. Rien ne l’oblige, sauf peut-être à être garant plus que d’autres de ses mots. Il lui faut éclairer par sa cohérence le trajet de son existence et de son écriture. Oui, il faut être cohérent à soi-même, les mots ne doivent pas rester sans chair. La poésie ne se contente pas de mots sans âme. C’est à ce prix que le chemin se poursuit.

 

- Écris-tu à des moments particuliers ?

 

Non, je n’ai pas de moments particuliers réservés à l’écriture d’une manière ritualisé. D’ailleurs, j’aime dire qu’on ne décide pas d’écrire un poème. Et parfois, il s’impose à vous, même s’il n’est pas souvent donné d’emblée. En revanche, des périodes sont plus favorables que d’autres à l’écriture pour des raisons diverses. Et certains moments, où une forme d’errance de l’esprit s’installe, sont propices à l’écriture. La marche par exemple ou le voyage, même en trajets courts, impromptus ou réguliers, ou les salles d’attente encore, créent pour moi ces conditions. J’aime aussi beaucoup réécrire. Reprendre l’écriture des poèmes, les relire à voix haute, les sentir en bouche, les retravailler tant au point de vue du sens que de la sonorité des mots. Revenir sur des détails de sens, en reprenant aussi les petits mots d’articulations que sont les articles, les démonstratifs, les possessifs… Avec ce souci de détails qui ouvriraient pour moi d’autres espaces.

 

- As-tu des auteurs qui te suivent ? Te précédent ?

 

Je ne suis pas le mieux placé pour le dire. Mais si on entend « soutien » dans le verbe suivre, alors oui, des auteurs me soutiennent dans mon travail et montrent de l’intérêt pour ce que j’écris. En tout cas des signes manifestes de ces soutiens existent sous différentes formes.

 

Parmi les poètes qui me précèdent, j’aime la poésie de Lionel Ray avec ses déambulations intérieures et la prosodie, les rythmiques dans l’écriture de Maurice Regnaut ; J’ai été très sensible à Patrice Delbourg et à son livre L’Ampleur du Désastre ; Exister de Jean Follain avec ses scènes et ses personnages m’a touché… Tous ces poètes ont influencé l’écriture de mon premier livre Toutes têtes hautes. Mais il y a encore la belle humanité que je ressens dans les livres de Marie-Claire Bancquart ; La langue vive, riche et rythmée de Claude Ber ; Le rapport au réel et au quotidien dans la poésie de Gérard Noiret ; Charles Juliet pour le creusement de l’intime ; La langue encore de James Sacré… Et tant d’autres poètes, tant d’écritures dont je suis redevable d’une manière ou d’une autre. Nous n’écrivons que dans la continuité de ceux qui nous ont précédés.

 

- Si tu devais absolument définir la poésie en 3 mots quels seraient-ils ?

 

C’est peu parmi tous les qualificatifs qu’il est possible d’attribuer à la poésie mais s’il faut en choisir trois voici mon choix de l’instant.

 

Ailleurs. Désir. Authenticité.

LIVRES PARUS

En collaboration avec Sophie Brassart pour les encres.
D'une vallée perdue à mes jours de mémoire -Ed. Au Salvart

Sur le site Le Pays d'Yveline, Un texte critique de Jocelyne Bernard sur l'ensemble de mes livres.

Sous l'odeur des troènes - Éditions Unicité.
Sous l'odeur des troènes - Éditions Unicité.

Sur le site de littérature colombien Panorama Cultural  quelques poèmes extraits de "Sous l'odeur des troènes " éd.Unicité,  Ils ont été traduits par la poète Maggy de Coster. Un grand merci pour elle !

"Origines du poème "- Éditions Au Salvart

Hervé Martin Digny : En frayant un chemin.

Un carnet numérique.Des notes,notes de lectures, poèmes, chroniques sur des numéros anciens de revues de poésie...

Editions Unicité
Recouvrer le monde suivi de Zone naturelle - Ed. Unicité
Dans la traversée du visage - Ed. du Cygne
Dans la traversée du visage - Ed. du Cygne

     Les livres

Métamorphose du chemin -Disponible chez l'auteur
Métamorphose du chemin -Disponible chez l'auteur
http://www.marc-giai-miniet.com/page27.html
Comme une ligne d'ombre -Disponble chez l'auteur et l'éditeur Marc Giai-Miniet
Au plateau des Glières -Ed. de la Lune bleue (épuisé)
Au plateau des Glières -Ed. de la Lune bleue (épuisé)
J'en gage le corps- Disponible chez l'auteur.
J'en gage le corps- Disponible chez l'auteur.
Et cet éprouvé des ombres - Ed. Henry
Et cet éprouvé des ombres - Ed. Henry
Toutes têtes hautes - Ed. Henry
Toutes têtes hautes - Ed. Henry

   Photographies


Avec Véronique Arnault lors de la lecture de Métamorphose du chemin à la galerie Bansard. 15/11/2014
Avec Véronique Arnault lors de la lecture de Métamorphose du chemin à la galerie Bansard. 15/11/2014
Lecture Galerie Bansard le 15/11/2014
Lecture Galerie Bansard le 15/11/2014
27 mars 2011 - Chateau de Coubertin
27 mars 2011 - Chateau de Coubertin

 

Lecture dans la réserve - 2 oct 2011 -Lydia Padellec & Hervé Martin
Lecture dans la réserve - 2 oct 2011 -Lydia Padellec & Hervé Martin