Hervé Martin ramène ici les individus et les lieux du passé sans nostalgie même si elle rapproche en une once de discrétion et les mots les plus simples tous les
disparus et les lieux en ruine.
Chaque poème les met en scène par vignettes.
Les “êtres ensemble” se dispatchent, de la caissière au coiffeur, du maraîcher à l’enduiseur. Avant, renaissent Jules Lucie et les autres si bien que ce qui ne
reviendra plus se lève à nouveau. La chair des poèmes palpite de vie et rejaillit “dans la trémulation des vers”.
Martin fouille et interroge dans le flux des mots ce qui ayant été revit. Tout s’ébroue encore ou “gueule aux oreilles”.
Le tracé des vies cohabite avec les murs des maisons dans le tressaillement des jours et des mots. Dès lors, non seulement l’Imaginaire redevient épiphanique mais trouve
une extraordinaire intensité.
Il garde une force paradoxale et inédite en cette dernière montée en puissance d’une poétique qui, certes et d’un côté, enlève l’illusion de la toute-puissance de l’être mais, de l’autre, ne
le gomme pas. Au contraire.
Un tel livre (le plus fort d’Hervé Martin) va inexorablement vers la vie, loin d’un seul devenir impersonnel, moléculaire. Et ce, par saisie différentielle provoquée par des images à l’odeur sonore qui mettent à bas les silences contraints.
jean-paul gavard-perret