08/02/2015 Une lecture de Jean-François Mathé de Métamorphose du chemin dans le numéro 117 de FRICHES qui vient de paraître. Merci!
Métamorphose du chemin est un titre que la suite de poèmes qu’il inaugure ne laisse jamais perdre de vue : chaque texte en réactive des significations multiples et lui donne de nouveaux éclairages.
A l’exception des deux derniers poèmes écrits à la première personne, le locuteur de tous les autres est un « tu », comme si le poète s’extrayait de lui-même pour mieux s’observer, s’interroger, et peut-être même reconnaître l’étranger qu’il devient à lui-même, à son histoire au fil du temps. Car si le chemin se métamorphose, c’est qu’avancer en lui c’est moins aller vers un but dans l’espace
« Ce chemin que tu traces / un moment dans ta marche / […] Où mène-t-il »
que vers les questions que pose le cheminement temporel vers vieillir.
Découpé en cinq parties non titrées, accompagnant une marche qui n’exclut ni les trébuchements ni le « bancal », le livre, dans sa progression, sans les dramatiser, accumule des sensations de solitude, d’égarement, de séparation d’avec le passé, de déclins de lumière. Le début du chemin, c’est l’enfance qu’on voudrait revivre dans sa pleine clarté :
« Tu voudrais revivre ce moment / de l’enfance dans l’été / quand le soleil au matin / réchauffait déjà les pavés de la cour ».
Mais, plus loin, croit-on retrouver cette enfance (ou ce qu’il en reste), ce n’est qu’illusion,
,« lorsque tu crois retrouver ici / les troènes de l’enfance ».
Reste à continuer dans ce que le monde, la nature offrent encore de beau, mais sans l’étreinte pure des premiers temps de la vie :
« Tous paysages / trompent notre regard »
et « Partout un prédateur / est à l’affût de sa survie ».
Mortes l’enfance et la jeunesse, le monde progressivement nous dépossède :
« Ce n’est pas le temps / qui nous vieillit / mais l’absence de ceux / qui nous accompagnèrent ».
Tout se ternit et en nous une parole intérieure bourdonne, remuant le doute, mais aussi malgré tout le désir de trouver en elle, pour éclairer, alléger la marche inéluctable
« la légèreté des oiseaux […] / la matière du poème ».
Alors le chemin se métamorphose en creusement vers l’intériorité, vers la recherche de la poésie, elle qui seule peut-être permet
« les yeux tournés / vers les branches des arbres / [de surveiller] les signes / d’une éclaircie possible ».
Unité de ton, légèreté allusive des vers sont les caractéristiques essentielles d’un livre qui va, comme l’homme lui-même, sur son chemin de vie, vers des clartés qui ne seront qu’une brève ponctuation dans l’invasion des ombres.
Jean-François Mathé