de Cécile Guivarch sur Terre à ciel
Sous l’odeur des troènes, Hervé Martin, éditions unicité
Ecrire au plus près des hommes : Hervé Martin mène ce projet de livre en livre. Evoquer celui qui est au soir de sa vie, celui qui trouve un gite, ceux qui travaillent ou gardent quelque chose de l’enfance, sans oublier ceux qui subissent des insultes, l’exil et les inégalités. Rassembler tous ces êtres qui ont su donner de leur chaleur, à qui on a souri, ou à qui on a tendu la main, dans un même livre. Sous l’odeur des troènes rassemble des textes d’Hervé Martin écrits sur la durée. Certains textes sont des extraits de livres déjà édités aux éditions Henry (Toutes têtes hautes et Et cet éprouvé des ombres), en anthologie ou en revue.
Ecrire au plus près de la mémoire, écrire le quotidien et les gestes, écrire les êtres au travail. Une œuvre qui témoigne d’une grande attention à l’autre et aux émotions que l’autre procure à l’auteur. Ce qui retient, c’est la présence de la lumière tout le long de ce livre. Cette lumière : ce peu en chacun est pourtant si réelle. Il est toujours question d’avancer, de marcher, tendus vers la lumière. « Je les regarde », juste cela, ce regard sur les hommes, cette quête de dire au plus juste l’émotion qui le gagne en regardant les autres évoluer. Sensible à l’histoire singulière des êtres, ces hommes, dont certains font partie des siens, mais qui sont avant tout une grande famille humaine. Dans les poèmes d’Hervé Martin, je note la présence du moi et des hommes et ce sont ces derniers qui en quelques sortent forgent la mémoire de soi. L’empreinte des vivants. Toujours avec ce regard d’enfant qui reçoit les fragilités du monde, de la vie. Des textes dédiés portant des prénoms dès le titre. Des corps, notamment au travail - souvent des travaux de campagne - mais aussi le maître ou le mécano, le facteur ou l’ouvrier. Tous ces hommes qui se lèvent le matin pour aller travailler, éprouver les corps, sueur, fatigue et personnes courbées. Des hommes et des femmes qui sont ensemble rassemblés par leurs métiers, travaillant tous les uns pour les autres. Des migrants : thème qui apparaît au début du livre et puis revient au fil du texte. Une émotion vive pour ces émigrés venus chercher la « douceur du nouveau monde ». L’écriture d’Hervé Martin est par ailleurs pleine de tendresse, même lorsqu’il réagit pour un monde meilleur. Le désir de « revenir en chemin de mémoire » orchestre l’ensemble avec l’idée que même si la mémoire demeure, les choses passées ne reviennent pas, ni ceux qui ne sont plus.
Qui peut mieux que les corps
d’une femme un homme
allant nus dans la nuit
incarner la rose de nos viesQuand ils offrent aux regards
cet amble de bipède Une démarche
face à l’obscurité du jourSachons voir en ce peu Cette
peau qui recouvre nos corps
nos visages incertains et la naïveté
fraîche des yeux De ces corps
humains seulement la présence
Leurs pas emmêlés dans les nôtres
une proximité confondue à nos
voeux