Verger, étangs
et terres alentours
Aux jardiniers de notre terre
Des pas dans le verger
Des murs de meulières...
la prairie nouvelle...
des bois...
et le chemin de la Glacière
délimitent dans cette imprécision
qui caractérise des ruines
ce terrain qui fut le verger
du château de Vaugien.
Les yeux
quand je marche interrogent le sol
dans ses irrégularités
recherchant dans leur hésitation
une stabilité pour l’assise du pied
que je pose je ne sais
sur quel matériau oublié
par le temps
les derniers jardiniers.
Et les vestiges
de ce qui fut une bâtisse
surgissent sous mes yeux
comme ces fondations
que je crois découvrir
semblant sous mes pieds
tout de briques construit
recouvert de mousse
et de lichens ensemble.
Les pierres toujours
semblent impavides à leur délabrement.
Ici le cadre d’une vieille fenêtre
châssis d’une possible verrière
que quelques verres en morceaux
qui brillent au soleil
me révèlent dans l’éclat qui titille mes yeux
Un chambranle de porte
couché sur le lit de la terre
et puis des bris de pots de fleurs épars
dans des pourpres et des bruns devenus
me rappellent la serre qui se tenait ici
Et où des ouvriers
commis au travail de la terre
composaient en été
des bouquets de couleurs
et des coupes de fruits.
Et quittant le verger
je découvre
comme des réservoirs
en ciment
rehaussés d’un parement de fer
que la rouille digère
Et soudain je voudrais les nommer abreuvoir
lorsqu’au-delà des futaies
j’aperçois deux ou trois vaches
des Blondes d’Aquitaines
qui paissent
paisibles dans le pré.
Découvertes autour de l’étang
Ce qui perce aux oreilles
ce sont les chants d’oiseaux
qui jaillissent
d’au-dessous des branchages
Combien y en a-t-il ?
Qui s’appellent se répondent !
Un coucou au lointain
dans le ciel une tourterelle
et sur le sol
une corneille que je dénomme
Quand soudain sur le plan d’eau ridée
un foulque s’annonce
en courts cris nasillards
comme des éternuements
qui déchirent le silence du matin
et le miroir du ciel où glisse son plumage.
Au matin
rien ne semble gêner les oiseaux
qui persistent dans le chant
Peut-être des pinsons
des bouvreuils des traquets
que mes oreilles ne savent distinguer
dans la cacophonie
mélodieuse des chants.
Et le foulque transperce
à nouveau
le silence litigieux du matin
Dans des V de victoire
que trace sa trajectoire
sur le plan de l’eau sombre
où quelques odonates
dans le ballet de leurs vols
tissent les fils invisibles
du regard qui les suit.
Il se faufile le chemin
quand je marche
direction du soleil au matin
Traçant entre les arbres
et ces tapis de verts
des formes inouïes
Lorsque branches
mortes en travers
au cœur de ces verts naissant
esquissent pour moi seul
une marqueterie inédite.
Dans ce matin d’avril
traversant ce territoire
en foisonnement de vert
Je respire la fraîcheur des arbres
Je perce du regard la blancheur de l’air
J’interroge l’espace de cette terre humide
croyant surprendre ici
l’existence d’un chevreuil
dans des bruits de branchages
Puis enfin découvrir
sous l’écorce pourrissante d’une souche
un grouillement d’insectes
Cette vie invisible
qui travaille à la nôtre.
Et soudain
dans un rai de lumière
je me revois enfant
Dans des terres arborées
foulant l’herbe fouillant
l’ombre noire des sous-bois
pour rechercher dans la nuit des questions
affouillement la terre
quelques beautés ignorées de ce monde
où je rêve
au sein de cette multitude
notre éden
certain d’y retrouver encore
des beautés
oubliées par les hommes
qu’il me faudra nommer.
Il est peu d'objets plus admirables que les délicates enveloppes siliceuses des Diatomées.
Charles Darwin
Aux diatomées
___________
Elles vivent là parmi nous
près de ces bancs de sable
qu’une eau transparente exhume
lorsque l’ocre silice sa blancheur
face aux sombres futaies
s’élance aux questions du regard
qui balaie interroge
le parterre des bois
quand les pas s’y hasardent.
Et soudain dans l’eau claire
de cette résurgence fine source
qui renaît de la nuit
pour notre simple joie
on les soupçonne ici
dans les éclaircissements vifs
qui contrastent
l’eau noire des sous bois
quand on passe sur la rue
direction du château de Vaugien.
Quand il sait leurs présences
énoncées par l’amateur biologiste
amoureux des beautés
qu’elles partagent au monde
Le candide qui marche près de lui
voudrait courir vers ces sous-bois
pour les observer ces diatomées
Et voir des nuées d’ondulations
comme danses
dans un courant qu’il voit
entre deux transparences
Mais
invisibles les diatomées conservent
leurs intimes secrets
malgré l’œil qui scrute l’eau
et pense les déceler dans la limpidité
qui jaillit du tréfonds de la terre.
Superbes autant qu’infimes
ce n’est que sous l’empilement
de lentilles qu’elles surgissent
dévoilant comme pudiquement
la géométrie de leurs valves
Telles robes diaphanes découpées
lignes droites brisées
en des dents de silice
Infinités volumes aux squelettes
inouïs érigeant un mystère
aux yeux du profane béat.
Formes incroyables
jaillies de l’assemblage
des frustules
Carapaces de silice
aux aspects insolites
Leurs fluettes et légères
silhouettes interpellent
de l’étrangeté de leurs formes.
On les pense danseuses
graciles les diatomées
comme des ballerines
entre deux eaux éprises
Ceintes en des corsets de mailles
qui résistent – le sait-on ? -
à la concentration de forces animales
qui voudraient tant broyer
aux leviers de mâchoires infimes
la multiplicité des formes
de leurs carapaces minérales.
Invisibles aux regards
comme absentes aux mémoires ordinaires
les diatomées !
Pourtant immémoriales
au cycle du vivant
leurs sédiments
polissaient déjà les cuivres
des cénacles romains !
C’est aujourd’hui
leur immuable
et infime présence
qui jauge
la qualité des eaux
que l’on porte à nos lèvres !
Infinités de volumes
Architectonie inventive de formes
mêlant Thalès et Phytagore
dans la géométrie
des frustules qui s’assemblent
Elles sont là
près de nous
veillant aux équilibres
Tandis qu’insouciants nous allons
dans l’écho de nos paroles qui s’échangent
sur le chemin
de Moc-Souris à Vaugien.
« M. Deparcieux, qui a toujours porté ses connaissances sur des objets utiles à la société, & particulièrement à l'hydraulique, a publié en 1761 un mémoire auquel tous les hommes instruits ont applaudi. II y démontre que l'eau de la rivière d'Yvette, prise à Vaugien, qui n'est qu'à 18000 toises de Paris, peut aisément arriver dans cette ville à la même hauteur qu'y arrive celle d'Arcueil, & à l'endroit le plus commode pour la faire distribuer dans tous les quartiers. »
« Extrait 2 » Mercure de France – Dédié au Roi – Octobre 1767 .
Balade
- Rive droite d’Yvette, découverte en groupe -
Au matin sitôt passé les bâtisses
on découvre l’étendue d’herbes hautes
de la prairie humide elle s’étend
en contrebas d’un monticule de terre
C’est l’odeur la première qui frémit les narines
dans des fragrances de menthe sauvage
qu’exhale cette terre
où l’Yvette
en hiver étend sa démesure
Dans ce tapis de végétaux
arbres arbustes et hautes herbes vives
qui ondoient dans le vent du printemps
on devine dans des foulements d’herbes
le passage de chevreuils
traçant ici un territoire de rut
entre les genêts les bouleaux les aulnes et les acères.
Cependant les oiseaux nous enchantent
Pic Epeiche Pic mar Pic-vert et noir
Tant que nos regards ne croisent pas leurs becs
Pic Pic mar Pic épeiche Pic-vert et noir
Ensemble et à la queue leu leu
nous avançons dans ces herbes fournies
que parfois notre guide nous désigne et dénomme
Gallium, dit grateron
qui s’accroche aux mailles de nos lainages
la Laîche des marais des Iris jaunes
des Berces de l’Oseille sauvage
Et belles Clématites blanches
enroulant les sureaux de ce début de mai
Et les pas des enfants
traversant vers les bords de l’Yvette
foulent l’herbe fraîche de ces terres humides
Herbage rehaussé de hautes tiges vertes
qui rivalisent par leur hauteur
aux tailles des enfants
Plantes ombellifères aux minuscules floraisons
en bouts de brins portés comme des invisibles
Couleurs timides ou chatoyantes d’éphémères pétales.
Cependant les oiseaux nous enchantent
Pic Epeiche Pic mar Pic-vert et noir
Tant que nos regards ne croisent pas leurs becs
Pic Pic mar Pic épeiche Pic-vert et noir
Et tandis que l’on progresse
les enfants écrasent de tout corps luttant
cette herbe qui parfois les provoque
au rosé du visage
Comme ce garçon
armé d’un bâton ou s’appuie la démarche
et par lequel parfois tel un sabre brandi
l’enfant se défend de ces herbes en bataille
qui le griffent le démangent et l’assaillent
cependant qu’il reconnaît en elles
dans son geste qui s’élève
toutes les ombres du monde
qui menacent.
Cependant les oiseaux nous enchantent
Pic Epeiche Pic mar Pic-vert et noir
Tant que nos regards ne croisent pas leurs becs
Pic Pic mar Pic épeiche Pic-vert et noir
Et ainsi on traverse pour approcher la rive
foulant un promontoire au-dessus de l’Yvette
créé par des années de faucardages
lorsque les berges s’amoncellent de branchages de saules
et de plantes aquatiques
remontées du cœur des saisons chaudes
quand elles flottent glissent
et ondulent dans le flux du courant
en un très large peigne aux dents fines et vertes.
Cependant les oiseaux nous enchantent
Pic Epeiche Pic mar Pic-vert et noir
Tant que nos regards ne croisent pas leurs becs
Pic Pic mar Pic épeiche Pic-vert et noir
Impassible l’Yvette
passant Maincourt et Saint Forget
s’écoule des Essarts
et suit sa course belle
se raillant des embâcles
Arbres couchés en travers de son lit
qui voudraient la contraindre
mais n’arrêtent dans leurs ramas de branches
que des flottants perdus épars
boites béantes bouteilles de bière
bouts de bois bris de branches
ou ballons
qu’aussitôt dans nos rangs les enfants
remarquent par leurs cris.
Cependant les oiseaux nous enchantent
Pic Epeiche Pic mar Pic-vert et noir
Tant que nos regards ne croisent pas leurs becs
Pic Pic mar Pic épeiche Pic-vert et noir
Gardons ou gougeons fouillant de leurs gueules
les sédiments de vase ou fuyant on imagine
le brochet qui les chasse ...
L’eau de la rivière recèle tant de secrets
dans son trouble courant
et le sombre boueux de sa nature même
Les herbes en remuant sans cesse
tracent dans les mouvements réguliers de son courant
comme un geste un salut au passant
que nous sommes
tout debout sur la berge
rive droite d’Yvette à la voir couler
On cherche malgré soi
dans cette eau qui voyage en un son apaisant
les éclats de lumières
que renverraient vers nous
les ventres blancs des poissons
qui vivent dans l’Yvette
Princes enfants qui après nous vivrez
Puissent les oiseaux longtemps vous enchanter
Pic Pic épeiche Pic mar Pic-vert et noir
Et de vos regards éviter de croiser leurs becs
de crainte qu’ils ne s’envolent
Pic épeiche Pic mar Pic-vert et noir
Notes
Glossaire :
Diatomées :
Algues unicellulaires qui vivent dans les milieux aquatiques d'eau douce ou d'eau salée. Elles sont dotées d'un exosquelette siliceux qui porte le nom de frustule.
Frustule :
La frustule est une coque siliceuse entourant certaines diatomées ou bacillariophytas, algues unicellulaires microscopiques.
Faucardage :
Fauchage manuel ou mécanique (bateau faucardeur) des végétaux aquatiques qui encombrent les zones d'eau et qui étouffent l'écosystème.
Embâcle :
Obstruction du lit d'un cours d'eau par l'amoncellement de débris de tailles et de natures diverses.
Sources:
Extrait 1 p 4 :
Description historique de la ville de Paris et de ses environs – Tome neuf – 1770
Extrait 2 p 24 :
Mercure de France – Dédié au Roi – Octobre 1767. Premier Volume