Sur le chemin
de Moc–Souris
à Vaugien
Parc et château
Ils sont droits
bien qu’un peu recourbés
face au temps
et aux intempéries des années.
Ils élèvent Superbes !
leurs cuirasses martelées
très hauts dans l’espoir de l’air.
Les platanes bicentenaires
parés d’écorces aux nuances gris vert
font songer par-delà le portail d’entrée
et la maison de pierre
à de hautes murailles d’une tour de guet.
Tels hôtes attentifs le nez dans les nuages
ils surveillent alentours
comme pour mieux saluer les visiteurs
ou maîtres de maison
qui entrent dans le parc et franchissent la grille.
Combien y en eu-t-il ?
Au cours des deniers siècles
de femmes d’hommes d’enfants
qui jadis
de fiacres de chevaux ou d’automobiles
descendirent un soir
harassés de l’accomplissement du voyage.
C’est ici
dans l’accueil de cette large place
protégés par ces platanes immenses
qu’ils prenaient pieds sur la terre de Vaugien.
...Vaugien est un Château situé dans un vallon près de l'Abbaye de Gif, & pas loin de Chevreuse. Il appartient à M. Bertin, Maître des Requêtes. Le bâtiment est très régulier par l'architecture. Il est fermé par deux grands étangs, avec une avenue qui les sépare. Le jardin est du dessein de Le Nôtre. Une patte-d’oie forme l'entrée du bois, qui est de haute futaie. Les arbres en sont sains & d'une hauteur extraordinaire...
(Extrait 1 / Description historique de la ville de Paris et de ses environs –
Tome neuf – 1770)
Dans la traversée des jours
Il faut l’imaginer
le tracé de la rue de Vaugien
Qui desservait tout droit
jusqu’au bas
l’entrée du parc du château
Enjambant l’Yvette
qui coule sous les arcs du pont
près de l’ancienne usine à canon
et du moulin à eau.
Du portail
on aperçoit de part et d’autre
deux étangs dans une symétrie
Miroirs lorsque tous deux reflètent
face au ciel
la couleur du temps qui change
dans la course des nuages.
Il paraît immuable
le château de Vaugien
Ancré au bas du val
Dominé d’un coteau
aux arbres d’une hauteur
restée extraordinaire
des bois de Ragonant
Et où parfois des ombres
entre les arbres
semblent nous faire signe.
Pourtant il fut un temps ici
où seuls un manoir un colombier
une petite chapelle
s’élevaient dans le parc.
Fidèle
la mémoire des livres
nous rappelle l’existence de bassins
surplombés de sculptures de pierre
à l’entrée d’une cour
Enfants chevauchants des dauphins
d’où jaillissait une eau en des jets
qui troublaient bouillonnants
la tranquille
et passive immobilité des bassins.
Le tracé de la rue de Vaugien
fait aujourd’hui détour.
À plusieurs époques
le château fut reconstruit.
Les bassins aux enfants
chevauchant des dauphins
n’existent plus.
Et le ciel
dans des reflets semblables
sur l’eau calme des deux étangs
semble abolir
les traces du temps qui passe
sur notre paysage.
Mais Vaugien demeure
en son parc
ce château qui se dresse aujourd’hui.
Il est proche en ce jour
de cette réserve qui naît
au sein de ce val ce coteau
dont les terres longtemps furent siennes.
Près du moulin le long de la rivière
où comme dans un écrin
pour les générations qui nous suivent
sera protégé ce qui vaut aujourd’hui
mieux que tout l’or de notre monde
En ce peuple d’invisibles
microscopiques organismes vivants
Infiniment nécessaire à nos respirations
et à notre patrimoine
de faune et de flore
auxquels nous devons chaque jour
la pulsation de nos veines.
Une chouette séjourne quelques fois dans la chapelle.
Par le bris des vitraux qui résistent aux harcèlements du temps
ou par la lucarne ouverte
elle pénètre la nuit.
Le petit sanctuaire
Construite sur le bord de douves
dans le sens traditionnel des édifices chrétiens
Chœur au levant du jour
le petit sanctuaire conserve
dans l’agencement de ses pierres
la mémoire des mains et la ferveur des hommes
qui édifièrent ses murs.
Une chouette aujourd’hui
quelques fois y séjourne
Ses deux ronds d’yeux où reflète la lune
par les nuits éclaircies d’un ciel sans nuage
se posent
selon les mouvements saccadés
de sa tête chevêche
là sur ce qui fut autel
ou sur la porte aux deux vantaux de bois
Que fut cette chapelle qui nous reste à ce jour ?
Appuyée soutenue il me semble par des hauts conifères
qui tels des étais voudraient l’aider à traverser les ans.
Chapelle petite aux prie-Dieu désertés
quels visiteurs auras-tu accueilli ?
Quelles suppliques murmurées vers le ciel
implorant grâce ou pardon auras-tu entendu ?
Paroles emplies dans les mots prononcés
de la sève des espérances humaines
Priant Dieu qu’il exauce le souhait
de réduire dans la chair des enfants
ou celles de parents chers
la peine et la douleur
l’oubli et le dénuement de la perte.
Peut-être bien que nichée en ce lieu
la chouette les entend ces espérances humaines
qui résonnent pour elle seule
de mille échos différents ?
Entre les murs peints et droits de la chapelle
Face à un Christ au-dessus de l’autel
Dans l’éclat de lumière lunaire qui perce les vitraux
Et dans ce compromis blanc
gris des mosaïques qui tapissent le sol.
L’essence des êtres persiste ici
dans les interstices des pierres assemblées
Le terreau infini du langage humain
y demeure
Il bruit de ses désolations
et résiste des espoirs et des joies
de ceux et celles
qui implorant la clémence du ciel
vinrent dans ce lieu
exhaler l’intime profondeur de l’être.
Si vous passez près du petit sanctuaire
par un beau soir clair
surprenant au claquement des ailes
une chouette chevêche
Songez à ceux qui trouvèrent en ce lieu
un abri pour leurs paroles humaines.