NOUS

 

 

 

Maurice REGNAUT

 

 

 

Editions Dumerchez

 

ISBN 2-912927-058-1 

 

Prix :19 €

 

 

 

LECTURE DE « NOUS »

 

 

 

 

Paru en janvier deux mille seize NOUS est le dernier livre de Maurice Regnaut. L’emploi de ce pronom de la première personne du pluriel pour titre, met en place un sujet central d’au moins deux êtres et potentiellement extensible à un nombre illimité d’individus. Mais dans le livre, écrit sans aucune majuscule, les pronoms personnels toi et moi repris maintes fois dans les poèmes circonscrivent ce nous à l’union de ce tandem.

 

 

 

Une union polysémique que le  poète éclaire sous bien des angles tout au long du livre et dont le lecteur tente de définir les frontières. Les poèmes ne cessent de resserrer l’horizon qui unit l’un et l’autre tout en suggérant qu’ils sont à la fois différents et semblables.

 

 

 

Mais à qui au juste s’adresse le poète ? À quel autre dont il se sent si proche et auquel il s’associe implicitement ?  Quel est cet espace commun, ce nous où le poète invite l’autre à le rejoindre ?  Espace équivoque où se mêlent altérité et ressemblance.

 

 

 

Quel autre ?

 

 

 

Ce nous,  je l’ai d’abord entendu comme le lieu intime du lien amoureux à ce toi de l’être aimé.

 

 

 

et ne disons/ que oui/ notre union/notre amour/ notre présence à nous

 

 

 

Mais au cours des lectures s’y associeront successivement :

 

Le lecteur d’abord qui se retrouve le temps de la lecture  face au poète et à l’homme.

 

 

 

ne cherche pas : celui qui parle, ici, c’est toi, oui, toi qui viens d’ouvrir le livre

 

 

 

Puis au-delà encore, l’autre toi pourrait être l’individu dans sa condition d’homme que le poète interpelle dans le vœu de briser sa solitude.

 

 

 

n’y aurait-il pas / cette tristesse/ au fond de toi/ cette angoisse/ près/ si près de cette fin nôtre/écoute-toi/ tout près/ d’exister à nouveau/...

 

 

 

Ou peut-être que ce nous, rassemblerait à la fois la voix intérieure du poète et celle par laquelle il s’exprime socialement.  Cet autre en ses méditations et médiations silencieuses. Un nous qui réconcilierait dans une clarté intime l’homme et le poète. L’espérance et la rationalité des faits. Le rêve et la réalité.  Un nous plus humain et vertueux par l’intégrité qu’il exprime dans le souhait d’être vrai et sincère.

 

 

 

Ce désir/ soi-disant/ ce désespoir ainsi / de vérité/ n’est-ce pas le seul mensonge/ écoute/ se taire à soi-même/...

 

 

 

On retrouve d’ailleurs cette forme de dialogue intérieur dans le texte « Sésame et caverne » où Moi dialogue avec Maurice pour définir l’espace du langage.

 

On le voit, les poèmes tentent d’établir les limites de ce nous sous différents aspects. Le lecteur ne cesse d’en traverser les frontières. De toi à moi, de l’un à l’autre, du même à son reflet, les vers mélangent les repères comme pour mieux (re)lier les deux protagonistes et leurs natures. C’est peut-être la part d’humanité de Regnaut qui vibre  ici dans cette tentative de réunir l’un et l’autre. Un  rêve peut-être revenu de l’enfance.

 

 

 

C’est en tissant de poèmes et de  mots ce lien à l’autre que le livre dans cette parole vivante interpelle et bâti ce nous.  Une parole échangée entre deux vies qui forme langage. Un lieu hors des conventions sociales au plus près de l’intériorité des êtres. Un territoire utopique ou rêvé de partage que le poète loue en le portant au plus près de l’humain. Et c’est par ce langage, cette parole changée en poèmes, que Maurice Regnaut établi cette cartographie intime de nous.

 

 

 

Nous

 

 

 

Ce nous que partage le livre est celui qui rassemble l’auteur et un second protagoniste.  Celui qui unit l’un et l’autre par l’acte de la parole et du langage.

 

Serait-ce donc l’être aimé ?  Le lecteur, si près du poète dans la lecture ? Ou encore, l’alter ego présent en soi. Être profond que le poète porte en lui et qui investit le poème ?

 

Mais par la polysémie et les marges d’interprétation qu’offre le livre, on peut penser que nous serait celui qui relie un être humain à un autre par le processus du dialogue ?

 

/ parole ou parole/ il n’en est qu’une même/ une seule et même/ et qui que tu sois /et qui que je sois/...

 

 

 

Le lien d’humanité d’une condition humaine heureuse que bâtirait le partage de la parole et de l’écoute.

 

 

 

ce n’est pas moi / écoute / c’est ta parole/ c’est toi// c’est moi/ c’est ma parole/écoute/ ce n’est pas toi // ni toi seul/ ni moi seul/ / parler / c’est être / à la fois toi et moi

 

 

 

Ainsi, pour Maurice Regnaut  la parole et l’écoute sont partages et l’essence même de la vie.

 

 

 

Hors ce qui vit/ hors ce qui meurt /et soudain écouter parler

 

 

 

Mais nous  postule également à un lieu de réconciliation intime. Entre la parole du poète et celle de l’homme. Parole intime d’un désir parfois contrarié par le réel au pied de sa réalisation impossible. nous  serait alors  un lieu qui  permettrait de résoudre des conflits intérieurs dans une parole réconciliée avec soi.

 

 

 

seul/ hors parole / mais parler / mais être moi par toi / mais être toi par moi /...

 

 

 

L’écriture

 

 

 

À l’aide de poèmes aérés, aux vers interrompus de retours à la ligne multiples. Césures qui tracent sur la page des lignes imaginaires, des esquisses improbables dans le même temps où ils rappellent par le rythme qu’elles créent, parole et souffle, la présence du poète. Maurice Regnaut bâti cette demeure commune avec les mots et des vers brefs restituant le rythme vital qui l’anime.

 

La forme de l’écriture trouve sa force singulière dans l’organisation de ses rythmes quand le vers est coupé d’une manière brève, parfois par un seul mot qui interrompt le continuum de la parole.

 

 

 

Rien ne peut / rien / nous désunir/

 

 

 

C’est ce souffle intérieur qui innerve les vers d’une énergie en le restituant d’une parole habitée. C’est par ces multiples césures, ces retours à la ligne, ces ruptures que Regnaut recrée le rythme de la parole.  Elle sera restituée par les scansions, paroles et silences de la lecture à voix haute.

 

 

 

On le voit, l’écriture est travaillée dans ses rythmes pour retrouver au plus juste l’énergie du corps parlant.  Paroles et poèmes sont par le langage unis.

 

 

 

 Il n’y a qu’une seule et que même / notre parole

 

 

 

Les poèmes  montrent l’écriture de Regnaut dans l’organisation grammaticale d’une phrase contrariée. Recréée  pour retrouver à la lecture la parole du corps vivant. Maurice Regnaut approche au plus près des mots et se mêle en eux tentant de les habiter en leur cœur. La parole est pour le poète souffle de plénitude au monde et partage.

 

 

 

j’ai toi aussi / m’unir aux mots /

 

j’ai cru  pouvoir//....

 

 

 

Passé la prosodie et le rythme de ces vers faut-il que le lecteur entende : J’ai cru pouvoir / m’unir aux mots  (comme ) toi aussi.  (par la lecture )  créant en cela un lien commun,« même » aurait pu écrire le poète.

 

 

 

Le souffle

 

 

 

Ces poèmes me paraissent écrits pour le théâtre. Je les imagine sur les lèvres d’un comédien. Il suffit de les dire à voix haute pour qu’ils vibrent de la voix dans le souffle. Ils déroulent un monologue fait de répétitions, de ruptures de sens qui font rythmes pour la parole.

 

 

 

Maurice Regnaut qui est homme de théâtre tout autant que poète a pour la scène et la poésie ces mêmes passions qui se confondent. Scène où les poèmes seraient portés en voix par un comédien et partagée avec un public.

 

 

 

Qu’est-ce que la poésie ? Ici elle est parole vive soit en lecture silencieuse du lecteur soit sur une scène au milieu d’un public. Ainsi vont la parole et le poème dans une écriture vivante que jamais on ne relègue à une forme monotone.  Alors le lieu possible de ce nous pourrait être la scène théâtrale où la parole resterait à jamais alerte et lumineuse.

 

 

 

et quoi / écoute / quoi d’autre/ si ce n’est / au nom de qui existe / parole / lumière/ scène éternelle.

 

 

 

Le poète n’a de cesse de circonscrire le lieu du livre comme celui d’un territoire dès lors commun, réunissant toi et moi. Amants réunis, l’un et l’autre, auteur et lecteur, écriture et lecture et plus près encore du corps, parole et écoute devenant dès lors unité. Celle peut-être rêvée d’un théâtre-du-livre.

 

 

 

Cette union du langage

 

 

 

Pour Regnaut le besoin de vivre sans mensonge, en toute clarté semble vital. À cette aune il questionne sa propre cohérence en débusquant en lui les strates du mensonge. Et pour enfin conclure que la vérité serait incarnée par le réel de la vie tandis qu’il doute de la réalité humaine dans ces vers paradoxaux ci-dessous. toi et moi n’existant que par l’abstrait du langage.

 

 

 

et la vérité même/ c’est peut-être/oui/ cette existence/ à tout jamais/toi/moi/ ne sommes-nous/ que mensonge

 

 

 

Le livre est le fruit d’une nécessité intime par lequel le poète interroge sa relation au monde et à l’autre. Quelles que soient les interprétations que l’on donne au titre, il symbolise cette humanité qui place au sein de la relation à l’autre les nécessités de partages, de sincérité, de dialogue au centre desquels la parole et l’écoute occupent une place majeure. Maurice Regnaut  invite alors les vivants à  s’écouter, à s’entendre, liés par ce cadeau de la vie dans une même et égale solitude.

 

 

 

écoutons-nous parler / existence/ égale/ solitude / parle  union

 

Pour le poète la parole est humanité profonde dans ce désir de réunion.

 

 

 

Oui / la parole/ redisons-le / redisons-nous / c’est nous trouver.

 

 

 

Il prône une écoute commune avant que la mort ne conduise immanquablement au silence.

 

 

 

n’y aurait-il pas alors / écoute moi / avant que ne s’achève / d’elle-même/ notre parole / avant qu’à nouveau / ne soit plus bientôt que silence.

 

 

 

Et dit implicitement que les hommes n’existent que par le langage qui les relie.

 

 

 

Le dernier vers d’un poème qui s’achève par Ô plénitude / notre présence précède deux pages du livre où se retrouvent seuls toi sur la page paire et  moi sur l’impaire. Ce nous, cette présence désormais réunie dans le livre et existant par le feu du langage.

 

L’homme est un être libre qui s’exprime par sa parole seule. Avec ce livre l’auteur célèbre la présence de l’être. Celle des êtres vivants. Vivants dans l’ici et maintenant. toi et moi devenus dans ce temps partagé du langage et du livre éternels.

 

 

 

ou bien néant /  ou bien parole / ou bien rien ni personne / ou bien / oui / toi et moi / nous éternels

 

 

hm

 

 

 

LIVRES PARUS

En collaboration avec Sophie Brassart pour les encres.
D'une vallée perdue à mes jours de mémoire -Ed. Au Salvart

Sur le site Le Pays d'Yveline, Un texte critique de Jocelyne Bernard sur l'ensemble de mes livres.

Sous l'odeur des troènes - Éditions Unicité.
Sous l'odeur des troènes - Éditions Unicité.

Sur le site de littérature colombien Panorama Cultural  quelques poèmes extraits de "Sous l'odeur des troènes " éd.Unicité,  Ils ont été traduits par la poète Maggy de Coster. Un grand merci pour elle !

"Origines du poème "- Éditions Au Salvart

Hervé Martin Digny : En frayant un chemin.

Un carnet numérique.Des notes,notes de lectures, poèmes, chroniques sur des numéros anciens de revues de poésie...

Editions Unicité
Recouvrer le monde suivi de Zone naturelle - Ed. Unicité
Dans la traversée du visage - Ed. du Cygne
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     Les livres

Métamorphose du chemin -Disponible chez l'auteur
Métamorphose du chemin -Disponible chez l'auteur
http://www.marc-giai-miniet.com/page27.html
Comme une ligne d'ombre -Disponble chez l'auteur et l'éditeur Marc Giai-Miniet
Au plateau des Glières -Ed. de la Lune bleue (épuisé)
Au plateau des Glières -Ed. de la Lune bleue (épuisé)
J'en gage le corps- Disponible chez l'auteur.
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Et cet éprouvé des ombres - Ed. Henry
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Toutes têtes hautes - Ed. Henry
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   Photographies


Avec Véronique Arnault lors de la lecture de Métamorphose du chemin à la galerie Bansard. 15/11/2014
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Lecture Galerie Bansard le 15/11/2014
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27 mars 2011 - Chateau de Coubertin
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Lecture dans la réserve - 2 oct 2011 -Lydia Padellec & Hervé Martin
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