De la résistance au monde à la confrontation à soi
En vers ou en prose. Rimée ou libre. Blanche peut-être ? Écrite le plus souvent mais sonore quelquefois, la poésie (du grec poièsis : l’action de fabriquer, de créer) rassemble sous son vocable un foisonnement d’écritures.
Écritures poétiques aux formes si différentes mais aux desseins confusément semblables. Mais avant ? En amont de cette réalisation écrite qu’y a-t-il ? Qui y a-t-il ?
Quelle motivation profonde pousse ( contraint ?) un être à inscrire noir sur blanc des signes de son existence ?
Laisser une trace simplement ?
Mais pas trace pour l’histoire, ni un quelconque futur, fut-il proche ou lointain ! Mais laisser – trace s-. Une empreinte de sa vie, l’indice de sa mobilité dans l’instant qui s’écoule. Des traces comme celles de l’animal qui se désaltère près d’une mare boueuse ou celles encore de celui qui cherche pitance dans une plaine enneigée. Peut-être rien que cela, subsister ? Cette présence dans l’instant. Une preuve de son existence au monde. Un indice à sa mesure, infinitésimal, dans la nécessité de l’inscrire dans l’ordre gigantesque du monde. Écrire, c’est peut-être d’abord prouver à soi-même la réalité de sa propre existence.
Mais de poésie me direz-vous ?
Cette accroche ( une approche ?) du monde par le façonnage d’une écriture et la quête d’une forme. Cette espèce d’autre peau, propre à chacun, qui nous recouvre et par laquelle le poète tente d’ouvrir une brèche dans la lourde chape de la vie quotidienne.
Une tentative à mêler les pulsations de sa propre existence aux cycles de la vie.
N’y a-t-il pas dans cet acte d’écrire, dans l’empreinte des mots et des vers, un possible miroir de vie ? Ou une volonté inconsciente d’approcher la nature par une création afin de mieux s’y fondre ?
Mais peut-être l’écriture poétique n’est que l’expression confuse d’une perte régulière et progressive que l’on voudrait retenir à mesure de l’éloignement de ce qui fut notre genèse ?
Peut-être encore, une résistance atavique de l’être au monde et à sa modification permanente ?
Ou toujours, cette confrontation à soi, à l’inconscient, aux motivations intimes qui guident les pas ?
Oui, l’écriture poétique pourrait être ce balancement entre la résistance à la vie et son acceptation. De la résistance au monde à la confrontation à soi.